Marie Ravenel
Moulin de Marie Ravenel, " la meunière poétesse ", qui y naquit le 23 mars 1811 où son père était meunier à Réthoville dans la Manche.
Adieu mon moulin
Adieu
! Petit Moulin, demeure hospitalière,
Une
charmante solitude où sourit ma paupière,
Adieu,
je vais quitter cet asile de paix.
Un
destin ennemi m'arracha ma patrie ;
Mêlés
tout souvenir dans mon année remplie
Dans un autre séjour me suivront à jamais.
Adieu
! Théâtre heureux des jeux de mon jeune âge,
Arbres
qui si souvent me prêtiez votre ombrage,
Echo
qui modulées mes joyeuses chansons,
Beaux
prés, vertes collines, étant, le ruisseau limpide,
Qui
vîtes s'envolez mon enfance rapide,
Guérets
où se jouaient de si riches moissons.
À
vue ! Songe riant qu'il fait naître l'Aurore,
Prestiges
fortunés par qui tout se colore,
Demeurez
en ces lieux... Au blanche vision !
O
poésies, enfin, qui me fut aussi cher !
Vous
ne me suivrez pas sur la terre étrangère :
Y
pourrions nous chanter les hymnes de Sion ?...
Adieu
! Petites oiseaux dont la fraîche musique
Soutenez
si gaiement mon essor poétique,
Et
que je nourrissais durant les jours mauvais,
Fleurs
qui trouviez l'abri sous ma main tutélaire,
Feuillages
qui forment ni mon hôtel solitaire,
Adieu ! D'autres peut-être y prieront désormais.
Toi,
roque mystérieux, témoin d'horrible fête,
Et
dont les flancs mous sus affrontent les tempêtes
Des
hivers, par milliers effacés devant toi,
Sur
ton site désert, très de ses eaux limpides,
Tu
diras au passant les forfaits des druides ;
Mais, hélas ! Pour toujours, ce sera loin de moi.
Adieu
! De mes amis la si douce présence...
Car
leur coeurs dans l'exil me suivront en silence,
Et
le mien, pour les voir, reviendra dans ces lieux ;
De
tous mes biens, enfin, le seul bien qui me reste,
Je
l'emmène avec moi... C'est un trésor céleste :
Un
époux, mon vieux père et trois enfants joyeux.
Parmi
les souvenirs que pour jamais j'adore,
C'est
ici qu'au lever vers d'une admirable Aurore,
(Mes
jours étaient encore à leur riant matin),
Le
ciel me fit présent du doux titre de mère,
Et
mon fils premier né, commençant sa carrière,
Vint,
douce et tendre fleur couronnait mon hymen.
Vous
Dans ce lien sacré, la nature captive
Concentra
tous mes soins; inquiète, attentive,
De
son premier regard je briguais la faveur.
Mais
désire, oubliant sa faiblesse et sondage,
De
ses sens délicat semblait hâter l'usage ;
Son berceau renfermait et mes yeux et mon coeur.
Suivies
d'un petit frais à d'une soeur chérie,
Beaulieu,
vous l'avez vu s'est lancés dans la vie !
Tourneriez,
alors ; mon ciel était si bleu !
Mais
mon azur se voile... Un nuage stérile
Planes
sans mouvement sur mon nouvel asile,
Et je vous quitte enfin ; o ma vallée ! Adieu !
Marie Ravenel (1811 - 1893)
PS: " Les chtis " 1 heure 46 de détente et de bonheur,le film que nous avons vu dimanche soir.